Changer de perspective
La plupart du temps, mes changements s’opèrent à l’abri des regards, dans le noir, en m’isolant. C’est un peu comme une période d’hibernation pendant laquelle je sens que je dois couper certaines cordes, laisser certaines aspects de moi-même s’en aller et d’autres se transformer. Je ressors généralement de ces périodes avec le profond sentiment d’être passée à un niveau supérieur au jeu de la vie.
Mais la vérité est que sans miroir, je n’ai aucune preuve de mes transformations.
Dans la vie de tous les jours, l’effet de miroir se trouve souvent dans nos relations. Sans interactions, comment pourrions-nous observer et constater notre évolution ?
Il y a quelques jours je me retrouvais face à face avec quelqu’un de mon entourage dans une situation déjà vécue plusieurs fois, et avec un sentiment familier et très désagréable que je pensais ne plus jamais ressentir. Je croyais avoir guéri -ou transcendé ce fragment de moi, je croyais avoir changé.
Ce qui m’a le plus dérangée sur le moment n’a pas été pas de revivre la situation en question, ni de ressentir à nouveau ce sentiment, mais de me dire que je n’avais en fait rien guéri du tout : l’inconfort était toujours là. Mon sentiment face à la situation n’avait pas évolué et il était la preuve que je n’avais moi-même pas évolué sur ce point.
Et puis j’ai observé la situation autrement. Je me suis observée avec un peu de recul et j’ai remarqué que certes mon ressenti initial n’avait pas changé, mais j’avais su faire en sorte de ne pas le nourrir afin qu’il soit simplement passager ; cette fois-ci j’avais su prendre un peu de distance, j’avais eu le réflexe de me concentrer sur ma respiration, faire une pause avant de parler et de réagir.
Je n’avais pas « tout » guéri, mais je n’avais pas non plus « rien » guéri.
Quelques jours plus tard, je tombais sur le dessin d’une spirale vue sous une perspective inhabituelle et je comprenais que le changement n’est jamais linéaire.
Le changement, l’évolution, le fait de « grandir », de guérir -spirituellement parlant, est un mouvement irrégulier : deux pas en avant, un en arrière. On gravit un sommet, on tombe et on perd de l’altitude, on se relève, on remonte, et ainsi de suite. Mais malgré tout, on progresse.
Le changement n’a rien de glamour. Il est fait de chutes, de retours encore, encore et encore aux mêmes problématiques, aux mêmes sources de colère et de souffrance. On y retourne jusqu’au jour où ce qui autrefois était un « trigger » ne nous fasse plus le même effet.
Avec chaque pas que l’on fait, on se rapproche un peu plus de notre authenticité, de notre essence. Une décision à la fois, un souffle à la fois.
Certaines variétés de bambou grandissent sous terre, à l’abri et dans l’obscurité pendant 5 ans. On pourrait aisément se dire que rien ne se passe, que la plante est morte, qu’elle ne poussera jamais. C’est pourtant sa manière à elle de développer ses racines, de se préparer à sortir de terre. Pour s’élever.